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Quel est l’impact pour les investisseurs de l’interdiction des rétrocessions en suisse ? Thumbnail

Quel est l’impact pour les investisseurs de l’interdiction des rétrocessions en suisse ?

Une récente étude[1] a analysé plus de 22 000 portefeuilles dans 42 banques différentes en Suisse entre 2010 et 2020. Elle examine l’impact de l’interdiction des rétrocessions sur la performance des portefeuilles de clients privés[2]. Et la conclusion est surprenante !

En effet, suite à la crise financière de 2008, de nombreux pays ont mis en place des réglementations afin d’interdire le paiement de commissions des fournisseurs de produits (tels que les fonds de placement) aux conseillers financiers afin de réduire les conflits d’intérêts. Effectivement, lorsqu’un conseiller ou une conseillère sélectionne un placement pour votre portefeuille, vous attendez qu’il ou elle le fasse pour des raisons de performance, et non pas parce que ledit fournisseur lui verse une commission plus élevée qu’un autre.

Les résultats de cette étude montrent que cette interdiction a eu l’effet inverse de celui escompté. On pourrait croire que l’interdiction des rétrocessions a aligné les intérêts des conseillères et conseillers financiers à ceux de leur clientèle et provoqué ainsi un impact positif sur la performance des portefeuilles. Au contraire, les banques ont remplacé les revenus des rétrocessions par ceux de leurs propres produits en augmentant la part de ce type de placement dans les portefeuilles de leurs clients.

En effet, avant l’interdiction, les produits dits « maison » représentaient environ 13 % des avoirs du portefeuille. Trois ans après l’interdiction, cette proposition a augmenté jusqu’à atteindre 30 % en moyenne. La conséquence : une réduction des ETFs et autres fonds indiciels (produits qui, de manière générale, ont des performances meilleures que la moyenne des investissements).

Les résultats suggèrent que l’augmentation de produits dits « maison » a eu un impact négatif sur la performance totale, ces produits ayant des performances moins bonnes que les ETFs ou autres fonds indiciels.

En outre, l’étude révèle des statistiques intéressantes en ce qui concerne les investisseurs et investisseuses suisses :

  • Environ 38 % des personnes utilisent les conseils financiers proposés par les employés de banque, tandis que 20 % consultent d’autres conseillers financiers (BlackRock, 2013).
  • En 2021, le montant total des rétrocessions versées en Suisse était estimé à 4,2 milliards de francs suisses.
  • Les 42 banques de l’échantillon représentent 84,4 % des actifs totaux de toutes les banques suisses.
  • Trois quarts des clients sont des hommes âgés de 62,8 ans en moyenne.
  • 10,5 % des clients sont célibataires, 60,6 % sont mariés, 10 % sont divorcés et les 18,9 % restants appartiennent à d’autres catégories (par exemple, veufs).
  • 65,9 % des clients vivent en zones urbaines, 11,4 % vivent en zones rurales et 22,7 % vivent dans des zones classées ni urbaines ni rurales. Cette distribution est représentative de la population suisse.
  • Le portefeuille moyen s’élève à 890'635 francs suisses, répartis entre 2 banques dépositaires.

En conclusion, l’interdiction des commissions et rétrocessions ne suffit peut-être pas à résoudre les conflits d’intérêts des conseillers financiers en Suisse, les banques ayant tendance à privilégier leurs propres produits, ce qui affecte négativement la performance des portefeuilles gérés.

En voulant protéger les consommateurs, la réglementation a généré une conséquence involontaire néfaste pour ces derniers. Il est donc primordial pour les régulateurs de prendre en compte ces effets indésirables afin de garantir la protection des investisseuses et investisseurs individuels.

Lien pour lire l’étude: https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4274739 

[1] Nic SCHAUB, Simon STRAUMAN, « How Does a Ban on Kickbacks Affect Individual Investors », 17.05.2023

[2] L’interdiction des rétrocessions bancaires en Suisse a été introduite en 2014 via la loi suisse sur les services financiers (LSFin) et la loi sur les établissements financiers (LEFin). Cette mesure vise à accroître la transparence et à éviter les conflits d’intérêts dans le secteur financier.